Articles dans la Gazette Drouot 30 Octobre 2020

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Merci à Stéphanie Pioda pour le bel article sur le salon C14-Paris dans La Gazette Drouot n° 38, 30 octobre 2020. Merci à Olivier Lange, directeur de publication et merci à La Gazette Drouot.

Laurence Crespin et Frédéric Bodet, têtes chercheuses de C14-PARIS

Depuis 2018, Laurence Crespin et Frédéric Bodet positionnent résolument le salon de la céramique dans le champs de la création contemporaine avec cette année pas moins de vingt-huit artistes sélectionnés.

Il y a un engouement notoire pour la céramique depuis une dizaine d’années. Comment expliquez-vous ce retour ? 
Frédéric Bodet. Je suis persuadé que cet intérêt a toujours existé, et que si elle revient en force aujourd’hui, c’est que les artistes l’ont voulu. Beaucoup s’y sont intéressés en dehors de leurs cursus en école d’art, où les ateliers de céramique ont pour la plupart disparu. La rencontre avec la terre est décisive et enthousiasmante, car celle-ci traduit les sujets éminemment d’actualité mieux que n’importe quel matériau, la notion de fragilité, de fluidité, des racines… On note un désir aujourd’hui de la part des jeunes artistes de reprendre en main leur savoir-faire et de s’inscrire dans la durée avec la matière. Ils suivent des formations, en parallèle ou après leur diplôme, pour connaître ce matériau difficile à appréhender, mais qu’on ne peut plus lâcher lorsqu’on a commencé à le toucher.
Laurence Crespin. Le travail des institutions a également été important pour cette reconnaissance : tout particulièrement les grandes expositions que Frédéric a organisées lorsqu’il était attaché de conservation de 1999 à 2012 au département moderne et contemporain du musée des Arts décoratifs à Paris, puis, de 2013 à 2018, en tant que conservateur chargé des collections modernes et contemporaines au musée national de Céramique à Sèvres.

Le salon a été créé en 2003. Sa ligne artistique a-t-elle évolué depuis toutes ces années ? 
L. C. J’ai pris la présidence de l’association C14-Paris en 2018 et nous avons opéré une rupture avec le travail initié, en affirmant une image et une direction artistique encore plus radicalement tournées vers la création contemporaine. Nous souhaitons en effet très clairement jouer un rôle décisif dans la reconnaissance des artistes céramistes par les institutions, les marchands et les collectionneurs d’art contemporain.
F. B.Nous nous intéressons à une céramique qui interroge la forme dans l’espace avant tout, même si rien n’empêche l’utilisation de techniques traditionnelles et le mélange de matériaux. Le résultat doit être représentatif de la sculpture actuelle. Chacun des artistes sélectionne le meilleur de sa production, qui doit être inédit. Le travail de Laurence Crespin est très important pour cet accompagnement, et c’est elle qui a souhaité l’évolution du salon et du niveau de qualité.

Contrairement à un salon purement commercial, votre engagement concernerait donc le statut de la céramique et son niveau d’exigence ? 
L. C. Oui, d’autant plus que ce médium n’est pas reconnu à sa juste mesure en France. Il est encore difficile de l’exposer à la FIAC, à Art Paris ou dans les galeries. Nous avons fait évoluer les partenariats du salon pour ne plus accoler l’image de l’artisanat, qui peut être très restrictive.
F. B.Nous n’avons pas l’esprit de chapelle. La seule chose importante est de nous inscrire dans une certaine modernité, de ne pas ressasser des formes éculées ou datées, de faire évoluer la matière céramique elle-même, d’être surpris sur les manières de travailler l’émail…

Quel est le parcours des artistes céramistes ?
F. B. Beaucoup sont quarantenaires lorsqu’ils s’attaquent à la céramique après une première vie, ce qui peut la faire percevoir comme le matériau de la reconversion. C’est le cas de Cyril Chartier-Poyet, qui fait partie de la sélection 2020 et a reçu le prix Galerie l’an dernier avec sa série d’estampages de tuiles. Il a d’abord été peintre, et s’est intéressé à ce médium en lisant les écrits de Daniel de Montmollin, un gourou de la céramique de la seconde moitié du XXe siècle. En à peine trois ans, il a compris ce qu’on peut en faire avec émotion et avec le physique. Je le place au même niveau que d’autres artistes très confirmés. La céramique est un enregistrement, une matière qui ne réagit que par les impulsions, les émotions, la force donnée, un matériau de la concentration, logique par rapport à des expériences vécues, spécifique à l’ambiance sociale actuelle avec la crise des parcours des 30-40 ans.

La reconnaissance de cette expression est-elle aussi difficile à l’étranger qu’en France ?
F. B. Il y a plus de galeries dédiées à l’étranger qu’en France, où demeure un a priori quant à la fragilité supposée du matériau. Les collectionneurs ont connu pire avec les installations d’art contemporain composées de matériaux périssables !

Plusieurs prix seront remis, dont un nouveau. Quels sont-ils ?
L. C. Le prix Galerie permet au lauréat de présenter son travail dans le cadre d’une exposition personnelle dans une galerie d’art partenaire, chaque année différente. Pour cette édition, C14-Paris a établi un partenariat avec Eleven Steens, un nouvel espace inauguré à Bruxelles en 2018 et consacré à la création contemporaine transversale. Le prix Résidence est destiné à encourager une démarche, permettant au lauréat de résider entre deux à trois mois dans un lieu partenaire doté d’outils de fabrication, en France ou en Europe, afin de favoriser l’insertion professionnelle grâce à un réseau artistique régional, national et international. Cette année, nous nous sommes associés avec le Centre céramique contemporaine La Borne. Enfin, la nouvelle récompense est le prix du Jury, qui salue la qualité et le caractère innovant d’un travail indépendamment de tout autre paramètre. Son obtention permet d’exposer en tant qu’artiste invité, l’année suivante, dans un espace indépendant de 20 mètres carrés dans le hall d’entrée de la manifestation, assorti d’un sponsoring de l’entreprise Ceradel. Les trois prix de l’édition 2020 de C14-Paris seront annoncés et remis aux artistes le dimanche 8 novembre à 15 h 30.

Vous mettez en avant l’œuvre de Charlotte Coquen, plusieurs fois primée au salon et invitée d’honneur… 
F. B. Elle poursuit un travail sur le corps avec un dispositif toujours déroutant, où se mêlent à la fois la pudeur et l’érotisme. De pièce en pièce, elle dessine une relation à la féminité pleine de violence sournoise, qui pointe des thèmes d’actualité, des frustrations, des désirs. Elle part de ses souvenirs, d’impressions du quotidien, et de sa capacité à inscrire des fragments dans l’espace de manière à reconstituer une histoire très intime. Les autres invités d’honneur sont la collection muséale de Keramis, musée et espace d’art et de création dédié à la céramique à La Louvière, en Belgique, et l’École nationale supérieure d’art de Bourges.

Quelle est la fourchette de prix des œuvres présentées à C14-Paris ? 
F. B. En général, le prix moyen de la céramique tourne autour de 2 000/3 000 €, avec au salon une fourchette oscillant entre 1 000 et 4 000 €.

Est-ce que certains collectionneurs ne s’adonnent qu’à la céramique ?
F. B.Oui, de plus en plus ! Il est intéressant de noter que les nouveaux collectionneurs viennent à la céramique par le design. En France, les galeries qui en proposent sont des antiquaires spécialisés dans le XXe siècle, comme Jousse Entreprise, la galerie Lefebvre & Fils, Jean-Marc Lelouch, Carpenters Workshop… Ceux qui se passionnent pour le mobilier et le design sont aussi ceux qui regardent le plus ces créations. Ils commencent généralement à acheter la production des années 1950, pour ensuite s’ouvrir à la scène contemporaine. Une céramiste comme Kristin McKirdy, par exemple, a construit sa carrière avec la galerie Jousse. Les jeunes artistes ont compris que les frontières entre art, design et arts décoratifs sont fluides. Notre salon souhaite cette ouverture.

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